Sa viande est marbrée de graisse. Le nom de la race bovine est exotique et étrange. C’est le bœuf de Kobé, mais de quoi s’agit-il ?
C’est quoi le bœuf de Kobé ?
Le bœuf de Kobé est une viande de renommée mondiale. C’est une viande japonaise, issue de l’espèce bovine Wagyu de la lignée génétique Tajima et de la race bovine Japanese Black. Son élevage, dans la ville de Kobé (préfecture de Hyogo au Japon), est strictement encadré afin de préserver sa réputation. Sa viande est très tendre. Elle fond dans la bouche avec une saveur de noisette. Ainsi, c’est l’un des trésors nationaux du Japon, au même titre que le caviar pour la Russie ! Réputée être la meilleure viande du monde, elle se vend au prix vertigineux de 420€ le kilo. Les stars de la boucherie tel Hugo Desnoyer se disputent le travail de leur carcasse !
Sa texture “persillée” de graisse, le shimofuri, permet une cuisson sans ajout de matière grasse. Mais rassurez-vous : il s’agit de “bonnes graisses” (acides gras mono-insaturés et oméga 3) qui assurent le bon fonctionnement du système cardiovasculaire.
Bœuf de Kobé et bœuf Wagyu : quelle différence ?
Bœuf Wagyu…
En langue japonaise, les mots “wa” signifient Japonais, et “gyu” bœuf. Le wagyu est une espèce bovine d’origine japonaise qui comprend 4 races, toutes pures : Japanese Polled, Japanese Shorthorn, Japanese Brown et Japanese Black (ou kuroge washu). C’est de cette dernière dont est issu le bœuf de Kobé.
Suivant la couleur de leur robe, brune ou noire, plusieurs lignées génétiques caractérisent le bœuf Wagyu. Par exemple, pour le bœuf Wagyu noir, on recense 3 rameaux suivant leur terroir d’origine : Tottori ou Kedaka, de la préfecture de Tottori , Tajiri ou Tajima, de la préfecture de Hyōgo et Fujiyoshi ou Shimame, de la préfecture d’Okayama.
Et bœuf de Kobé !
Ainsi, pour qu’un bœuf wagyu détienne l’appellation d’origine “Kobé”, l’animal doit être issu de la race Japanese Black ; mais aussi de la lignée génétique Tajima ; et bien sûr doit être élevé dans la préfecture de Hyogo, dont la ville principale est celle de Kobé. Aussi, en France, si vous dégustez à la table d’un grand restaurant du bœuf de Kobé, il s’agit nécessairement de viande importée du Japon ; il ne peut en être autrement.
Le rameau génétique Tajima est le terroir d’origine du bœuf de Kobé. Il est originaire de la préfecture de Hyogo, une région montagneuse face à la mer. Ses champs ouverts fournissent une herbe riche en minéraux. La viande est ainsi dotée de qualités uniques. C’est pourquoi la race est protégée par une filiation pure, assurant ainsi une parfaite traçabilité.
En revanche, le bœuf Wagyu peut être élevé dans d’autres régions du monde, notamment en Australie, depuis que des chercheurs et éleveurs ont travaillé la génétique pour reconstituer des cheptels allant jusqu’à 93,5 % du patrimoine génétique originel !
Si le bœuf de Kobe est le Graal ultime de la viande Wagyu, le wagyu japonais est aussi reconnu pour sa qualité haute couture. L’Association pour la classification de la viande japonaise (JMGA) a défini quatre critères de qualité pour classifier les carcasses de Wagyu :
- l’aspect marbré (shimofuri) de la viande ;
- son lustre et sa couleur ;
- sa texture et sa consistance ;
- la brillance, la couleur et la qualité de sa graisse.
Ces quatre critères sont l’objet d’une notation allant de 1 (médiocre) à 5 (excellent). Néanmoins, c’est le shimofuri qui est le critère optimal et qui permet de différencier plusieurs pièces de viande.
Le bœuf de Kobé dans l’Histoire
Dans un pays bouddhiste, le bœuf jouait historiquement un rôle agricole et non alimentaire, et l’on misait alors sur sa capacité d’endurance et son développement musculaire. Utilisé pendant à l’ère Edo (1603-1868) comme bête de somme dans l’agriculture, l’exploitation minière et la sylviculture, sa viande était alors réservée exclusivement à l’Empereur, ses guerriers (les shogun) et les grands seigneurs (les daimyo).
En 1868, le début de l’ère Meiji (1867-1912) marque la fin du protectionnisme, l’ouverture du Japon à l’étranger l’abolition de l’interdiction de consommer de la viande rouge. Si sa consommation demeure le privilège de l’élite, elle devient progressivement accessible au peuple, et notamment avec l’arrivée des marchands européens et autres voyageurs d’Occident qui participent à son intégration dans la tradition culinaire de l’Archipel.
Selon la légende, un Anglais, ayant eu le coup de foudre pour la saveur de la viande qu’il aurait eu la chance de déguster, aurait acheté aux agriculteurs de Kobé plusieurs bœufs et aurait commencé à débiter des steaks ! D’autres étrangers, curieux de goûter cette viande exceptionnelle, aurait favorisé son développement. Ainsi, la légende était née…
Néanmoins ce n’est qu’à partir de 2012 que l’export du bœuf de Kobé en dehors du pays fut autorisé par le gouvernement japonais, dans un souci de protection de l’industrie domestique et de son patrimoine agricole et culinaire. Les exportations commencent par les Etats-Unis, puis la France en 2014.
Vous voulez une petite anecdote ? On raconte que les parents de la star du basket américain Kobe Bryant lui ont donné son prénom après une visite au Japon où ils auraient pu déguster cette viande. Bel hommage !
Le bœuf de Kobé : un élevage strictement contrôlé
L’appellation “bœuf de Kobé” est une appellation strictement contrôlée. Par conséquent, les éleveurs doivent respecter certaines règles. Une fois l’élevage certifié, l’éleveur bénéficie de l’estampille du chrysanthème (le symbole officiel de l’Empereur), dont il peut tamponner sa viande.
Un cahier des charges précis
Plusieurs critères sont définis par le cahier des charges :
- l’éleveur doit faire partie de l’Association Kobé et élever ses animaux en conformité
- le bœuf doit être issu de la lignée génétique Tajima, de la race Wagyu Japanese Black (ou kuroge washu, japonais à robe noire), et avoir été élevé dans la région de Hyogo.
- les femelles ne doivent jamais avoir porté de veau et les mâles doivent être castrés
- le bétail est abattu entre 28 et 32 mois, uniquement par un boucher accrédité. C’est davantage que l’âge minimum d’abattage d’un bœuf en France, autour de 24 mois.
- l’alimentation est contrôlée également : on nourrit les bœufs avec de la paille de riz et des céréales comme le maïs, le houblon, le soja et bouillie de semoule de maïs ; ils doivent boire une eau pure.
- Après l’âge de un an, les animaux ne pâturent plus, afin de limiter au maximum leur stress, ce qui rend leur viande encore plus grasse !
Massage, musique classique et bière : un mythe ou une réalité ?
Il est de notoriété publique que certains éleveurs utiliseraient des méthodes uniques pour assurer le meilleur environnement à leurs cheptels : alimentation à la bière, massages réguliers, diffusion de musique classique dans l’étable… Néanmoins, ces méthodes d’élevage relèveraient plus de la mythologie que de la réalité; elles n’amélioreraient pas non plus directement la qualité de la viande, sa saveur ou sa tendreté. Ainsi, les résidus du brassage de la bière sont parfois utilisés pour éveiller l’appétit du bétail (le plus souvent chez les taureaux de reproduction), et cette pratique était plus courante par le passé. Si les massages au sake sont utilisés ponctuellement, c’est surtout afin de conserver la fourrure des vaches propres et désinfectées (en vue de leur vente aux enchères). Autrefois, quand les bovins étaient à l’étable, il arrivait qu’ils soient brossés avec des tiges de riz, afin de favoriser le confort et la diminution du stress.
Enfin, pour ce qui est d’écouter du Mozart dans l’étable, aucune preuve n’atteste que les animaux réagiraient à un style bien défini de musique…
Ce qu’il faut avant tout retenir et ce qui est primordial pour l’animal, c’est la qualité accordée à l’élevage, et l’importance d’une vie sans stress !
Une conformation convoitée
Le respect de ce cahier des charges strict permet donc aux éleveurs japonais d’obtenir l’appellation, ou l’étiquette “bœuf de Kobé” (qui correspond à nos AOP européennes). Elle doit répondre à des critères précis tant pour la carcasse (Carcass Yield) que pour la qualité de la viande (Meat Quality Score).
Le Carcass Yield juge le rendement en viande et la conformation de l’animal , sur une échelle allant de A1 à A5 (A1 correspondant à un animal maigre à faible rendement et A5 correspondant à un animal avec un fort rendement en viande par carcasse)
Le Meat Quality Score prend en compte 4 critères : la couleur de la viande et celle du gras, sa texture et son lustre. Un système de classification est alors fixé sur 5 niveaux (allant du plus médiocre au plus exceptionnel), chacun subdivisé en 12 degrés qui caractérisent l’échelle de persillage BMS (Beef Marbleling Scale), 1 représentant la densité de persillage la moins élevée, et 12 la plus élevée (les quatre premiers degrés étant décatalogués).
Un prix justifié ?
Avec de telles traditions, et des bœufs si bien soignés, on comprend aisément que la viande de Kobé soit si réputée au Japon comme en dehors de l’Archipel, et son prix si élevé. Une demi carcasse de bœuf de Kobé coûte 3500 € quand une carcasse complète d’une race française de qualité oscille entre 4000 et 5000 € !
Un véritable business dont il faut toutefois se méfier, car l’appellation est vite galvaudée : on appelle parfois bœuf de Kobé du bœuf Wagyu élevé aux Etats Unis… Si la provenance fait d’une part défaut, les élevages américains sont le produit de métissages nombreux, qui dénaturent considérablement le patrimoine génétique originel d’un bœuf japonais pur.
En effet, depuis les années 1990, l’internationalisation du marché du bœuf Wagyu par l’exportation d’embryons en Australie et aux USA a permis de développer des élevages de Wagyu en dehors de l’Archipel.
“On a créé alors ce qui est connu dans le monde comme ‘wagyu’, poursuit Riccardo Giraudi. Les croisements ont été sélectionnés pour que la viande soit plus facile en mâche, moins persillée pour être plus proche de notre culture du steak.”
Riccardo Giraudi, importateur exclusif du bœuf de Kobé pour l’Europe
Si la qualité de la viande de Wagyu issus de ces élevages à l’origine expérimentaux ne vaudra jamais celle du Japon mais pourrait s’en rapprocher (notamment en Australie), l’appellation bœuf de Kobé appartient strictement à l’Archipel.
Ainsi, les restaurateurs français ou les sites internet qui vous vendent du boeuf de Kobé de qualité irréprochables travaillent avec des bouchers qui s’approvisionnent au Japon, et assurent uniquement en France le travail de la découpe, une vraie expertise en ce domaine ! Citons notamment le cas de la Maison Lascours, boucher spécialiste de la maturation, qui fait partie des importateurs européens de boeuf de Kobé – quand la part de l’export vers l’Europe ne correspond q’uà 20% du cheptel japonnais.
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